Bonus

La prière de Marcel.

Marcel arrive vers le petit cimetière du village. Il pousse doucement la grille qui s'ouvre en grinçant sur ses gonds. Depuis 4 ans qu'il emprunte ce chemin, ses pas l'amènent d'eux-mêmes devant la tombe de Noémie.  Il tient entre ses mains le bouquet d'ajoncs fraîchement cueilli sur la côte qu'il apporte quotidiennement en cette saison. Comme toujours, il pousse un soupir triste en posant les yeux sur le prénom de son aimée.

- Bonjour, ma Noémie, dit-il, la voix enrouée par l'émotion. Je t'apporte tes fleurs.

Après un silence recueilli, il reprend :

- Déjà 4 ans que tu es partie... Et un an qu'Agathe est arrivée.

Il observe un nouveau temps d'arrêt.

- Elle est arrivée avec les hirondelles comme une promesse de bonheur.

Marcel médite un instant ses paroles.

- Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est toi qui me l'as envoyée pour remettre un peu de chaleur dans mon vieux cœur...

Il s'arrête, ému.

- Quand je la voyais se promener dans les rayons de ta bibliothèque avec son gros ventre, si tu savais comme j'étais heureux !

Un sourire naît sur ses lèvres.

- C'est aujourd'hui qu'elle rentre ! Loïc va la chercher cet après-midi. Si tu voyais comme il est fier ! Il est venu me chercher hier pour m'emmener à la maternité. Ils voulaient que je connaisse leur petit bonhomme tout de suite. Comme il est beau !

Une larme roule sur la joue du vieil homme.

- Agathe me l'a mis dans les bras et Loïc m'a dit : "Nous vous présentons Pascal, Marcel. C'est le prénom du frère Corse d'Agathe. Je tenais à ce qu'il s'appelle comme ça car c'est un peu grâce à lui si Agathe est parmi nous aujourd'hui..." Ils m'ont dit que le parrain et la marraine seraient Justine et Martial, notre nouveau petit couple d'amoureux. Je ne sais pas pourquoi, mais je pense qu'ils ne vont pas tarder à nous annoncer une bonne nouvelle ces deux-là ! finit-il l'œil brillant.

Marcel pousse un soupir.

- Bon, je vais y aller. Il faut que j'aille cueillir un beau bouquet d'ajoncs pour Agathe. Demande au Seigneur de bien veiller sur eux et de bien protéger le petit Pascal pour qu'il grandisse bien.

Le vieux marin se met à rire doucement.

- C'est qu'il va falloir que je lui apprenne à parler breton à lui aussi !

Il se penche et dépose les fleurs sur la pierre tombale. Il se redresse et contemple intensément le prénom de sa femme.

- A demain ma Noémie. Tu me manques...